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Histoire de la ville d’El Jadida


El Jadida est la capitale du Doukkala, qui est une grande région du Maroc et qui occupe une place importante dans l’économie de ce pays. Cette région est l’un des poumons de l’agriculture nationale, c’est aussi une station balnéaire et une industrie performante à l’échelle internationale. En 1513, la puissante expédition qui devait conquérir Azemmour débarqua et utilisa le site comme point de rassemblement et de support logistique. Le duc de Bragance en personne – organisateur de l’expédition et cousin du roi – indiqua le besoin de ej1consolider la présence dans cette baie afin de doter Azemmour d’un débouché vers l’océan qui risquait d’être compromis à cause de son implantation sur les rives du fleuve. L’année suivante fut construit un château doté de quatre tours d’angle. Plus tard, dans le château primitif fut intégrée l’actuelle citerne. L’installation prit le nom de capitania de Mazagao, et le 10 août 1514, Martin Afonso de Melo en fut nommé capitaine. La nouvelle installation dépendait d’Azemmour et toutes deux de Safi, chef-lieu régional du monde portugais.
La très grave crise survenue suite à la perte d’Agadir en 1541 fut significative pour la ville ; conscients de l’impossibilité de contrôler toutes les installations d’Afrique du Nord. Le Portugal décida de ne maintenir que trois places : Ceuta et Tanger au nord et Mazagan au Maroc central. Ce choix dériva de l’impossibilité de maintenir Azemmour, limitée dans son accès à l’océan, et de la nécessité de construire une fortification moderne et extrêmement puissante. A cette fin, Miguel de Arruda fut chargé d’identifier le site approprié à la construction. Les plans fournis par Francisco da Hollanda – artiste/espion, précédemment dépêché en Italie pour collecter des informations sur les nouvelles techniques de fortification des villes – servirent à définir avec précision la localisation de la nouvelle forteresse. Pour parfaire le plan de la fortification, on fit appel à Benedetto da Ravenna, ingénieur militaire au service du roi d’Espagne, qui proposa une géométrie du début de la Renaissance, avec une ville en étoile, dotée de bastions modernes capables d’assurer la défense réciproque et rasante. Pour garantir un bon accès maritime, presque la moitié des cinq hectares de la ville furent construits sur l’eau, avec les fondations des remparts ancrées directement sur les fonds rocheux.
La nouvelle cité subit un violent siège en 1562, au cours duquel la solidité de sa conception et de son armement furent testés. « The test of the strengt of the new fortress came in 1562 when Mazagao was besieged for several weeks by a Moorish army allegedly 150.000 strong, which was however forced eventually to withdraw after suffering heavy casualties in many unsuccessful attempts to penetrate the defences”. (Bury, 1979).
Pendant la corégence hispano-portugaise (1580-1640) la ville fut autorisée à devenir port franc, de façon à faciliter les échanges commerciaux entre la péninsule ibérique et la région de Doukkala, alors grande exportatrice de froment. On proposa également de procéder à un échange entre les villes de Mazagan et de Larrache au nord afin d’empêcher que cette dernière s’enrichisse grâce aux pillages des convois espagnols perpétrés par les pirates locaux. En 1769, l’armée conduite par le souverain Mohammed Ben Abdallah assiégea à nouveau la ville et, après plusieurs tentatives militaires, un accord de reddition conditionnée fut signé : les Portugais pouvaient s’en aller, par la mer, pendant une trêve spéciale. C’est ainsi que le 11 mars 1769 fut abandonnée la place forte qui avait résisté à plus de deux siècles d’assauts constants. Lors de leur départ, les Portugais ne respectèrent pas les clauses de l’accord ; ils tuèrent tous les animaux et minèrent les bastions côté terre qui, en explosant au passage des troupes marocaines, provoquèrent de très nombreuses victimes (on parle de 8.000 morts). En signe de mépris, le monarque local décida d’abandonner la ville qui fut rebaptisée Al Mahdouma (l’Abandonnée).
Un demi-siècle plus tard, en 1821, la colonie juive d’Azemmour demanda au sultan Moulay Abderrahmane l’autorisation de s’installer dans la citadelle fortifiée. Le droit de colonisation fut accordé ainsi que le changement de nom de la ville : El Jadida (la Nouvelle). Pendant le protectorat, le nom portugais fut repris et francisé en Mazagan. La reconquête de la ville portugaise est facilement compréhensible, surtout à une époque d’expansion de la navigation et de l’économie en général. Les limites de navigation qui avaient induit les Portugais à abandonner Azemmour touchaient également la navigation commerciale du XIXème siècle. El Jadida offrait une meilleure baie et un port déjà creusé. De plus, compte tenu de son passé, la cité n’avait pas une bourgeoisie musulmane florissante en mesure de contrôler les échanges commerciaux et pour la population juive –et pour celle des Consulats européens – les possibilités commerciales étaient très favorables. Suite à la défaite marocaine d’Isly (1844), les ports atlantiques furent progressivement ouverts aux commerces occidentaux. La cité acquit un grand nombre de consulats et le trafic maritime connut une forte croissance. « Le premier navire à vapeur de la compagnie Blend Line est arrivé à El Jadida vers 1855 et, en 1883, plus de 115 navires ont visité la ville ». (M. Jmahri, 1987). En effet, vers les années 1860, la construction de la route reliant El Jadida à Marrakech favorisa la croissance du port au détriment de celui d’Essaouira qui, étant plus au sud, obligeait les navires à une route plus longue depuis et vers l’Europe. La croissance se poursuivit et en 1911 on compta jusqu’à 462 navires immédiatement après l’occupation française et même 662 en 1923. Le développement du port de Casablanca limita celui d’El Jadida, marginalisant la ville qui connut une profonde crise jusqu’à ce que la nouvelle subdivision administrative du royaume la place à la tête de la Province de Doukkala (1967). En 1978, le site de Jorf Lasfar fut choisi pour accueillir un grand port industriel et de grandes usines destinées au traitement des phosphates et à la transformation pétrochimique ; le complexe est actif depuis 1983 et il a permis à la ville de sortir définitivement de la marginalité. Aujourd’hui les échanges maritimes positionnent la Préfecture d’El Jadida au troisième rang national derrière Aïn Sebaâ (Casablanca) et Safi.